Abel Servien, en quelques lignes



A la découverte d'Abel Servien, l'homme de la paix de Westphalie et le plus illustre des Biviérois

Abel Servien nait en 1593 au château Servien à Biviers, propriété de sa famille depuis près d'un siècle.

Faisant preuve d'une précocité hors du commun, il entre dans la vie politique dès 1616 en qualité de procureur général du roi au parlement de Grenoble. Puis, après avoir brillé à l'assemblée des notables convoquée à Rouen (1617-1618), il poursuit son apprentissage en occupant successivement deux fonctions dépendant du pouvoir central (1) et qui lui donnent l'occasion de fréquenter Richelieu et Louis XIII tout en s'en faisant apprécier.

Envoyé en Italie à l'occasion d'un conflit avec les Habsbourg relatif à la dévolution du duché de Mantoue, il y rencontre Mazarin avec lequel il se lie d'amitié et qu'il introduit auprès du roi et de son principal ministre.

Après avoir brièvement occupé la fonction de premier président du parlement de Bordeaux, il est nommé secrétaire d'Etat à la guerre en 1630, puis retourne en Italie pour y rétablir la paix (traité de Cherasco du 6 avril 1631).

C'est en 1635 qu'à l'initiative de Richelieu, la France entre dans le terrible conflit dénommé guerre de Trente Ans (1618-1648) qui oppose les Habsbourg (de religion catholique) aux Etats protestants, tout en prenant le parti de ces derniers. La déclaration de l'entrée en guerre de la France contre le roi d'Espagne est signée par Louis XIII et Servien le 6 juin 1635.

Après une longue disgrâce qui le conduit à séjourner pendant sept ans en Anjou, Servien est rappelé par Mazarin en 1643 pour négocier puis signer pour la France les fameux traités de Westphalie (24 octobre 1648). Ceux-ci mettront un terme à ce conflit ravageur et s'accompagneront de la naissance de l'Europe moderne dans le cadre de ce que l'on appellera plus tard l'ordre westphalien, lequel pourrait encore servir de modèle, notamment au Moyen-Orient, voire au-delà .

Nommé ministre d'Etat dès son retour à Paris, Servien joue un rôle majeur dans la maîtrise et le règlement de la Fronde qui a menacé le pouvoir royal (1648-1652). Puis, en récompense des services éminents rendus à la Couronne, il est nommé surintendant des Finances, fonction qu'il partage jusqu'à son décès avec Nicolas Fouquet dont on connait le triste sort (condamnation à la prison à vie).

Son accession aux plus hautes responsabilités ministérielles et sa quête de prestige conduisent Servien à acquérir en 1654 le magnifique château de Meudon où il fait entreprendre des travaux colossaux. Puis il cède l'année suivante le château Servien à Antoine de Reynold (alors capitaine aux gardes suisses et commandant la garnison du fort Barraux).

 

Décédé en 1659, il est inhumé au côté de son épouse angevine, Augustine Le Roux, dans la chapelle Servien du sanctuaire marial de Notre-Dame des Ardilliers à Saumur.

 

Augustin Jacquemont - Juillet 2021

 

(1) Maître des requêtes à l'hôtel du roi, puis intendant de justice et police en Guyenne.


La guerre de Trente Ans et la Paix de Westphalie

Diaporama réalisé en 1998 pour le compte du Ministère des Affaires étrangères.

 

S’ils ne sont pas tous deux nommément cités, on remarquera les portraits des deux négociateurs français de la Paix de Westphalie, à savoir Abel Servien et Claude de Mesmes, comte d’Avaux, sept minutes après le début du diaporama ci-dessus.

Suite à un désaccord de fond, ce dernier a dû quitter la table des négociations en mars 1648, tout en laissant à son rival – qui avait l’oreille de Mazarin – le soin de les poursuivre jusqu’à leur achèvement, puis de signer pour le compte de la France le traité de Münster (entre catholiques) le 24 octobre 1648 (1).

Pour plus de détails sur la longue querelle Servien-d’Avaux, on pourra se reporter à la biographie publiée par Hélène Duccini en 2012 (voir plus loin).

 

(1)    Rappelons comme indiqué précédemment qu’Abel Servien a été secrétaire d’Etat à la guerre de 1630 à 1636.

C’est donc en cette qualité qu’il a cosigné avec Louis XIII le 6 juin 1635 La Déclaration du Roi sur l’ouverture de la guerre contre le Roi d’Espagne (trois minutes après le début du diaporama).


Château de Meudon : d’Abel Servien au Grand Dauphin, le fils de Louis XIV

Réalisation Franck Devedjian, musée d’Art et d’Histoire de la Ville de Meudon


Abel Servien, un grand diplomate dauphinois au service de l'Europe

 

Disparu depuis très longtemps de la mémoire collective des Français, Abel Servien est peut-être l'un des plus grands méconnus du "premier XVIIesiècle". En effet, hormis quelques rares initiés, qui se souvient encore de cet éminent diplomate dont la carrière s'est déroulée tout au long d'une période décisive qui a permis à la France d'accéder, du moins pour un temps, au rang de première puissance européenne que lui disputaient les Habsbourg ? 

Après avoir été successivement procureur général du parlement de Grenoble, maître des requêtes à l'Hôtel du roi, puis intendant de justice et police en Guyenne, Abel Servien reçoit dès 1630 la charge prestigieuse de secrétaire d'Etat à la guerre qu'il assume jusqu'en 1636.  Au terme d'une disgrâce prolongée, il revient aux affaires en 1643, à l'appel de Mazarin, pour négocier longuement les fameux traités de Westphalie qui mettent fin, en 1648, à la guerre de Trente Ans. Devenu ministre d'Etat, il gouverne de facto  la France durant la Fronde des princes et l'exil du Cardinal, conjointement avec son neveu Hugues de Lionne et son rival Michel le Tellier. Enfin, il est nommé en 1653 surintendant des finances, fonction qu'il exerce, collégialement avec Nicolas Fouquet, jusqu'à sa mort en 1659. 

Ce parcours exemplaire témoigne de l'émergence d'une nouvelle élite politique issue de la robe, et sur laquelle Richelieu, puis Mazarin, prennent appui pour restaurer et affermir une autorité royale violemment contestée, notamment par la grande noblesse.

Parce qu'il a été "la créature" de ces deux cardinaux-ministres exécrés, l'image d'Abel Servien a été délibérément falsifiée, en son temps, par de nombreux pamphlétaires stipendiés par des factions hostiles. Mais face au "Tribunal de l'Histoire", il revient aux Dauphinois d'aujourd'hui d'instruire enfin de manière impartiale la cause de cet homme d'Etat tombé dans un injuste oubli, et qui fut sans aucun doute l'un des plus grands des nôtres.

 

Augustin Jacquemont